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Le blog littéraire de Nana Espérance Isungu

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27 mars 2013

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25 mars 2013

Demain j'aurai vingt ans, de Alain Mabanckou, roman, éditions Gallimard, 2010, 381 pages.

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Écrivain congolais, Alain Mabanckou est né le 24 février 1966 à Pointe-Noire, la capitale économique du Congo-Brazzaville.

Bachelier en Lettres et Philosophie au lycée Karl-Marx, Alain Mabanckou effectue un premier cycle de Droit privé à l'université Marien-Ngouabi à Brazzaville. En 1988 il obtient une bourse d'études et s'envole pour la France.

Après un D E A de droit décroché à l'université de Paris-Dauphine, il travaille au sein du groupe Suez-Lyonnais des Eaux pendant dix ans. A 32 ans, il sort son premier roman Bleu-Blanc-Rouge qui lui valut le Grand Prix Littéraire de l'Afrique Noire. Le roman Verre cassé (publié aux éditions du Seuil en 2005) le révèle au grand public.

Dans la bibliographie Mabanckou on trouve également Mémoires du porc-épic,Éditions duSeuil 2006, Prix Renaudot 2006 ; Tant que les arbres s'enracineront dans la Terre, chez Points-Seuil (2007) et Lettre à Jimmy aux éditions Fayard à l'occasion du vingtième anniversaire de la mort de l'écrivain américain James Baldwin.

En août 2010, il publie Demain j'aurai vingt ans aux Éditions Gallimard.

Alain Mabanckou réside à Santa Monica (Californie-U.S.A.) où il enseigne depuis l'an 2007 la littérature francophone à l'université de Californie à Los Angeles (UC.L.A.)

 

 Titre énigmatique, Demain j'aurai vingt ans de Alain Mabanckou est un parchemin à la fois autobiographique et culturel. Le titre de cet ouvrage est l'expression du vœu ardent du petit Michel (personnage incarnant l'auteur) pour le futur, ses ambitions pour le lendemain, c'est-à-dire quand il sera grand, quand il aura vingt ans. Ce lendemain il le veut meilleur : un monde où les êtres terrestres, les vivants cohabiteront dans la charité, la fraternité et la paix avec les autres vivants qui leur ont précédé dans l'au-delà : « Moi je cherche une autre route, ma route du bonheur, celle que je prendrai pieds nus, (...) là où on retrouve les gens qui nous ont quitté et qui n'ont plus le même visage comme lorsqu'on les avait connu sur Terre. Cette route-là je dois bien la garder dans ma tête, je ne veux pas qu'elle n'existe plus quand je serai grand » (page 381).

 

Eh oui ! Dans le déroulement de la vie, on distingue le présent (aujourd'hui), c'est-à-dire lorsque que l'on naît, et le futur (demain). On est petit quand on naît et demain on croît, on grandit pour devenir grand. En grandissant on atteint l'âge de la maturité. Hormis l'enfance, la puberté et l'adolescence, l'âge adulte pour l'être humain intervient à partir de vingt ans car à vingt ans on vit la préfloraison de son existence : on emboîte les pas de l'affirmation de sa personne au sein de la société, on devient ambitieux, on formule des projets pour l'avenir, etc... Bref on planifie son programme de vie.

En parcourant cet ouvrage, nous comprenons que l'auteur voulait sans doute nous faire vivre   une expérience de vie a priori personnelle, au travers de la vie du personnage principal : le petit Michel.

 

Mesdames et messieurs, bienvenue dans le monde de Nene, oh pardon, je confonds, bienvenue dans le monde du petit Michel. Au fait, permettez-moi de vous faire un petit aveu : en lisant le roman de l'écrivain Mabanckou, j'avais la nette impression de relire un bouquin qui m'était déjà familier et qui jadis berçait ma franche puberté. Il s'agit de l'ouvrage La petite histoire de Nene, écrit par Charles Djungu Simba, publié en dix-neuf cent quatre vingt-cinq aux Éditions Saint-Paul Afrique en République du Zaïre. Comme c'est drôle : la narration de Mabanckou dans Demain j'aurai vingt ans est similaire à celle de son confrère originaire de la république sœur du Congo-Brazzaville.

La petite histoire de Nene (lire Néné) relate la vie de Nene (au fait son véritable prénom était René).

Suite au décès de ses parents causé par un accident de circulation, le bébé René est adopté par une famille de bonne volonté via l'entremise des religieuses qui le gardaient à l'orphelinat. En pleine crise d'adolescence, ses parents décident de lui révéler sa véritable identité.

« Nous avons nos parents généalogiques et nos parents de cœur. La perte des premiers nous attriste, la mort des seconds nous bouleverse » (dixit l'écrivain François Nourrissier)

Cette belle pensée a été comprise partiellement par notre ami Nene quand il apprit que son frère et sa sœur n'étaient pas ses siens de sang et moins encore ses parents. René en fut complètement bouleversé et eu du mal à s'en remettre. Heureusement qu'avec le temps, maturité et sagesse embrassant sa personnalité, notre héros parvint à ses fins de devenir « un grand » (monsieur) après des brillantes études qui lui ouvrirent les portes du succès au sein de la société.

Le petit Michel, personnage principal du roman de Mabanckou, est le fils unique de maman Pauline. Il n'a pas eu des frères ou plutôt des sœurs suite aux deux fausses couches de sa maman. N'empêche que par maman Marine, l'autre maman de Michel, Michel a pu utiliser les vocables frère et sœur dans sa vie. Le père nourricier de Michel c'est papa Roger, réceptionniste à l'hôtel Victory Palace et l’époux de maman Martine et maman Pauline.

Michel c'est aussi le neveu de tonton René (un type friqué) : un vrai chef avec un grand bureau au centre-ville. Il est « directeur administratif et financier » (page 13).

Le meilleur ami de Michel dont la sœur s'appelle Caroline c'est Lounès. Lounès et Caroline sont les fils de monsieur et madame Mutombo, amis et voisins des parents du petit Michel.

Michel aime bien Caroline parce qu'il trouve que c'est une fille « évoluée » (page 23). Avec Caroline, ils ont décidé de se marier ; c'était un dimanche après-midi en l'absence de leurs parents. Ils ont même projeté d'avoir deux enfants (un garçon et une fille), une voiture rouge à cinq places et un petit chien pour les garder. (Pages 30 à 33). Vous avez dit plat préféré de Michel ? Je réponds : viande de bœuf aux haricots (page 49). Sacré Michel !

« Il portait un pantalon kaki, tu sais, la couleur du crime, de la guerre. Il était jeune, vingt ans. Il avait déjà eu le temps de devenir criminel »

Cette citation de Marguerite Durasin Le marin de Gibraltar, 1952 épouserait-elle les perspectives du petit Michel lorsqu'il aura vingt ans ?

Absolument pas ! Comme tout gamin en pré-puberté, Michel est certes turbulent et plutôt cultivé que futé.

Le soir, en compagnie de son père Papa Roger, il aimait bien suivre les informations commentées par le journaliste Roger Guy Folly, diffusées sur les ondes de la voix de l’Amérique (page 82). C'est ainsi qu'il nous apprend que la capitale du Cambodge s'appelle Phnom Penh, que Pol Pot était le dirigeant politique et militaire des Khmers rouges et le premier ministre du Kampuchéa démocratique (l'actuel Cambodge). Les Khmers rouges étaient une organisation communiste qui avait longtemps menacé les vietnamiens, leurs voisins. Il nous parle également du renversement du Chah d'Iran par l'Ayatollah Khomeiny (page 114), de la fuite du président ougandais Idi Amin Dada (page 129).

A l'instar de son oncle, Michel appréhende bien la notion du communisme grâce aux ouvrages et traités de Karl Marx et Engels que lui prêtait de temps à autre son oncle René. Militant dans la Jeunesse du Mouvement Congolais du Travail, il apprend à réciter par cœur à l'école des trois glorieuses « L'hommage in memoriam » au camarade président de la République : « L'immortel Marien Ngouabi, fondateur du parti congolais du travail, est mort le 18 mars 1977, l'arme à la main. Il a été lâchement assassiné par l'impérialisme et ses volets locaux » (page 114).

Dans Demain j'aurai vingt ans, Alain Mabanckou nous fait découvrir un panorama culturel mondial en général et nous invite particulièrement à faire connaissance avec son berceau d'antan qui retrace tout son passé. Nous sommes en 1970, la République populaire du Congo est aux commandes de l'immortel Marien Ngouabi, le marxiste ; le président du parti congolais du travail(PCT).

Certes les années soixante-dix marquent la rivalité des capitalistes et communistes.

« C'est pas des militaires comme les nôtres qui peuvent faire la guerre si les Zaïrois nous attaquent à cinq heures du matin pour prendre notre pétrole et notre océan Atlantique avec les gros poissons qui habitent dedans et qui, normalement nous appartiennent aussi » (page70).

Aïe aïe aïe ! Ça fait mal ! Amis lecteurs, voilà des propos qui me froissent !

En parcourant les 381 pages de demain j'aurai vingt ans, j'ai relevé plus d'une fois ça et là des taquineries de ce genre... Et je me suis posé la question de savoir quelles étaient les intentions de l'auteur en avançant des tels discours. Ces déclarations, s'avèrent-elles exactes ? Et même si cela était vrai, pourquoi s'attarder là-dessus ?

Tantôt c'étaient des militaires de la division spéciale présidentielle de Mobutu qui cherchaient à intenter à la vie du président Ngouabi, à un autre moment c'étaient des Angolais qui en voulaient au pétrole du Congo-Brazzaville, etc. Franchement je ne trouve pas l'importance de balancer des tels discours. A quoi rimeraient-ils si ce n'est qu'à engendrer des conflits et mésententes inutiles au moment où l'Afrique nécessite une grande solidarité de ses enfants-patries en vue de relancer son essor et sa notoriété.

Enfin, ce fut une aubaine, pour notre écrivain congolais, de nous retracer tous ces événement se rapportant à sa biographie. J'avoue qu'effectivement pour aborder un tel sujet, qui de plus était rédigé dans un style typiquement enfantin mais assez sensé et raisonné, saupoudré de punch, une bonne et longue période décisive pour s'y lancer surtout qu'il fallait remonter le temps. Peut-être que cela a aussi valu une vingtaine d'années à l'auteur avant de publier Demain j'aurai vingt ans !

 

Nana Espérance Isungu

25 mars 2013

La Vie et Demie de Sony Labou Tansi, Éditons du Seuil, 1979, 191pages

Originaire de la République du Congo (Congo-Brazzaville), Sony Labou Tansi est né le 5 juillet 1947 à Kinshasa (République Démocratique du Congo, l'ex- Zaïre) où il passa une partie de sa scolarité.

Auteur de nombreux romans notamment L’État honteux, L'Anté-peuple, Les sept solitudes de Lorsa Lopez, Les yeux du volcan, Le commencement des douleurs, il anime également la troupe Rocado Zulu, théâtre au sein duquel il présenta plusieurs pièces théâtrales.

Après avoir rendu des bons et loyaux services à l'histoire littéraire de l'Afrique noire, Sony Labou Tansi tire sa révérence en date du 14 juin 1995.

 

Titre ambigu, La vie et demie de Sony Labou Tansi dénonce le comportement scabreux et machiavélique des politiciens africains en général et congolais en particulier. Érigés en colonisateurs noirs après le départ des colonisateurs blancs, ces bourreaux de dirigeants installent le manque de démocratie, soumettant ainsi leurs gouvernés à un dénuement socio-économique quasi indescriptible.

Étant donné que ces politiciens ne visaient même pas le développement, leurs populations se virent obligées de mener une moitié de vie, une vie fictive en soi, tandis que ces gouvernants se tapaient le luxe d’une vie totalitaire : roulant carrosses, mangeant caviar et fumant cigare.

 Cette situation explique le choix du titre de l'auteur : la vie (sous-entendu totale) et demie (sous entendu la moitié de cette même vie).

Chef d’œuvre onirique, l’ouvrage de Sony Labou Tansi paraît aux matins des indépendances qui n'eurent pas de mâtins pour les garder.

 

"Je ne passerai pas par mille chemins, en tout cas pas par un chemin aussi tortueux que la fable ; (...) la vie et demie est une fable qui voit demain avec les yeux d'aujourd'hui".

Cet avertissement de l'auteur nous interpelle et nous aide à mieux affronter son ouvrage.

Roman fictif recourant à la caricature et au rire," la vie et demie" retrace l'histoire d'un pays imaginaire : la Katamalanasie dirigée par un" guide providentiel "qui sera succédé par plusieurs autres guides providentiels ; ces derniers trouveront leur plaisir en instaurant une dictature dérisoire, meurtrière et sanglante.

Face au guide providentiel se dresse son farouche opposant : Martial. Il fut assassiné par le guide providentiel, mais en vain !

Pour se venger, Martial viendra de génération en génération hanter les jours et les nuits du guide providentiel et ceux de toute sa succession.

Afin de poursuivre l'objectif vindicatif de son père Martial, Chaïdana se lance dans la prostitution avec les autorités gouvernementales. Elle finira par les liquider les unes après les autres.

Les paragraphes de la vie et demie s'étalent dans un style classique formant un amalgame sémantique, syntaxique et numérique.

A titre d'exemple voici ce qu'on lit à la page 89 : "ils essayaient parfois d'écouter la chorale des bêtes sauvages, la symphonie sans fond de mille insectes, ils essayaient d'écouter les odeurs de la forêt comme on écoute une belle musique"(...)

"Ils arrivèrent à une clairière. N'ayant pas vu le soleil pendant deux ans, ils donnèrent à la clairière le nom de Boulang-Outana, ce qui signifie "le soleil n'est pas mort".

Aux zélés du surréalisme et à ceux qui veulent réveiller leurs méninges, voilà un ouvrage qui leur sied bien. Cœurs sensibles et mémoires chancelantes, veuillez vous abstenir et surtout prière de ne pas emprunter le toboggan des pages 85à 191.Oups, ça glisse !

Pour fustiger les maux qui gangrènent les sociétés africaines ayant accédé nouvellement à la souveraineté, la vie et demie de Sony Labou Tansi se range aux côtés des ouvrages de ses confrères guinéen et ivoirien : Le cercle des Tropics de Alioum Fantouré, Les soleils des indépendances de Ahmadou Kourouman.

Cette trilogie condamne l'attitude des nouveaux spoliateurs arrivés au pouvoir au crépuscule de l'époque coloniale.

Avides d'argent et assoiffés du pouvoir, ces faux dirigeants se parent des titres fanfarons et se prennent pour des dieux : guide providentiel, garant de l'unité, maréchal suprême, père de la nation, et que sais-je encore...

Ce fut une véritable engeance du mal, orchestrée en vue de mieux écraser leurs peuples en pratiquant la dictature, la démagogie, le détournement du dénier public et le népotisme.

D'après l'auteur, et c'est chose connue, pour les dignitaires africains, mener une vie "excellentielle" ou "ministérielle" revenait à pratiquer la philosophie de la vie avec trois V (villas, voitures, vins) à l'exponentiel F : femme (Pages 35 à 37).

 

Ayant parcouru de fond en comble l’œuvre du romancier Congolais Sony Labou Tansi, je me suis demandé si cet auteur n'était pas un oiseau de mauvais augure pour la renaissance africaine ? Ou devrais-je alors sans nul doute lui donner raison et lui octroyer un double qualificatif : celui de prophète-historien.

En effet, l'histoire symbolise le creuset du savoir et du pouvoir en vue de l'évolution des civilisations mondaines. Les historiens définissent également l'histoire comme étant une étude du passé lointain qui permet de mettre à profit le créneau actuel en vue de mieux appréhender le monde à venir.

De nos jours où maints pays africains devraient normalement festoyer leur cinquantenaire d'indépendance, n'avons-nous pas assisté aux appétences bellicistes des grandes puissances de ce monde qui jadis avaient soutenu les pires dictateurs africains et veulent encore aujourd'hui nous réciter la même et contrariante élégie. 

L'histoire ne fait-elle pas mention du printemps révolutionnaire arabe, de la dévolution du pouvoir en Côte d’Ivoire ; bref, du néo colonialisme imposé par les dirigeants africains.

Le masque repris sur la couverture de l'ouvrage signifierait peut-être la vie et demie, reflétant un semblant de vie, une fausse vie : une totalité de vie fictive à laquelle on ajouterait une moitié de vie réelle où l’on ne vit presque pas mais on vivote.

N'oublions pas que dans la tradition africaine le masque joue aussi un rôle important dans diverses cérémonies et rituels de la vie.

 

Nana Espérance Isungu.

 

Sony_Labou_Tannsi_recto_ouvrageSony_Labou_Tansi_verso_ouvrage

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25 mars 2013

La Femme aux pieds nus, MERE COURAGE, de Scholastique Mukasonga, Éditons Gallimard, 2008, 145 pages.

 

 

 

Native du Rwanda, Scholastique Mukasonga vit et travaille en Basse Normandie en France. Dans son premier livre Inyenzi ou les cafards (2006), elle retrace son enfance et sa jeunesse qu’elle vécut en déportée tutsi avec tous ses siens dans le camp de Nyamata.

La femme aux pieds nus est son deuxième ouvrage ; le titre de cet ouvrage est très significatif puisqu'il ne fait que traduire ce que l'auteur brosse comme portrait de celle qu'elle appelle « mère courage » : Stefania, sa maman : une travailleuse champêtre assidue, une femme vivant au cœur de l'Afrique, qui s'est toujours donné pour que vivent ses enfants. Elle les protège coûte que coûte de tous les maux possibles : famine, guerre et maladie. Stefania est la figure emblématique du courage ; et à travers elle on retrouve non seulement la femme rwandaise mais également toutes les femmes africaines ; surtout celles qui ont connu l'opprobre du viol pendant les guerres et qui sont devenues avec leurs enfants des sujets de stigmatisation pour la société, des « bannis » puisque ayant contracté le virus du Sida. Ces femmes devaient faire montre de beaucoup de courage pour leur survie. D'où l'emprunt de l'expression « mère courage » au sens figuré tout comme au propre.

La femme aux pieds nus et Inyenzi ont touché un large public. La femme aux pieds nus a remporté le prix Seligmann 2008 « contre le racisme, l'injustice et l'intolérance ».

 

Du point de vue de la forme, la femme aux pieds nus de Scholastique Mukasonga est un récit qui comprend dix chapitres avec une narration en préliminaire et une autre en final.

Les dix chapitres constituent une suite cohérente au prélude évocateur du passé de l'auteur.

L'art scriptural de Scholastique Mukasonga repris dans le premier volet  de cet ouvrage se présente comme suit: le chapitre premier « sauver les enfants » (pages15 à 26); chapitre deuxième « les larmes de la lune » (pages27 à 31); le chapitre troisième « la maison de Stefania » (pages 33 à 43); le chapitre quatrième  « le sorgho » (pages 45 à 58); le chapitre cinquième « médecine » (pages 59 à 71); le chapitre sixième  « le pain » (pages 73à 81); le chapitre septième « beauté et mariage » (pages 83 à 100); le chapitre huitième  « le mariage d'Antoine » (pages 101 à 108).

Le personnage central qu'incarne le créneau de ces huit épisodes n'est autre que Stefania, une guetteuse protectrice de la vie de ses enfants des militaires « hutu » qui faisaient souvent intrusion dans « l'inzu » en kinyarwanda (leur maison de Nyamata, faite de paille tressée comme une vannerie, comparable à la hutte ou paillote). L'aliment de base dont elle se servait pour nourrir ses enfants était le sorgho, raison pour laquelle elle exerçait ses files à bien manier la houe en vue du labour et du sarclage.  Stefania savait également interpréter tous les présages qui se multipliaient en scrutant le ciel. La médecine qui se pratiquait à Nyamata se déroulait dans une promiscuité indescriptible. Le médicament qu'on donnait aux enfants gravement malades après avoir épuisé tous les autres remèdes c'était du pain. Malheureusement on n'en trouvait pas à Nyamata, on devait aller le chercher à Kigali, la capitale. Cela demandait deux jours pour l’aller et deux jours pour le retour.

Pour ce qui concerne la mode et les mœurs des jeunes filles rwandaises ; le port des tresses « amasunzu » était recommandé à celles qui étaient âgées de 18 voire 20 ans pour signifier qu'elles étaient en quête du prince charmant. Elles devraient également abandonner jupes et robes pour se draper des pagnes. Tradition rwandaise oblige, la virginité était observée jusqu'à la nuit des noces. Conseillère matrimoniale expérimentée pour toutes les femmes de Nyamata qui recouraient à son concours pour le choix des futures épouses de leurs fils, Stefania assiste au scandale du rapt de Mukasine, la promise d'Antoine, son fils aîné ; et cela à la veille même du mariage. Et comme au Rwanda c'est le don d'une vache qui valide un mariage, la vache qui était destinée à la famille de Mukasine fut offerte à la famille de Jeanne, sa nouvelle belle-famille.

Le deuxième volet de l'ouvrage comprend le chapitre neuvième « le pays des contes » (pages 109 à 117) et le chapitre dixième « des histoires des femmes » (pages 119 à 142). Ces chapitres expriment le mécontentement de l'auteur face aux histoires porteuses de haine et de mort que racontaient les Blancs ; elle dénonce également le viol qui fut l'une des armes des génocidaires qui pour la plupart étaient porteurs du VIH Sida.

La finale « les esprits des morts nous parlent-ils ? » (Pages 143 à 145) raconte les nuits cauchemardesques de l'auteur en rapport avec les tueries de1994.

 

Rédigé dans un style typiquement moderne du genre d'un récit raconté sans une quelconque autre tournure ou emploi du classicisme, l'ouvrage de Scholastique Mukasonga se positionne, du point de vue thématique, à la suite des autres récits africains faisant éloge de la femme noire.

Ainsi, cette native du Rwanda se rallie à l'écrivain guinéen Camara Laye qui, dans son ouvrage intitulé « l'Enfant noir », rendit aussi à sa manière un vibrant hommage à la Daman, sa mère : femme de champs, femme de rivières ; cette femme qui la première le portât sur le dos et lui ouvrit les yeux aux prodiges de la Terre.

 

Avec Inyenzi (les cafards), La femme aux pieds nus (mère courage) et tout récemment L'Iguifou, l’œuvre de Scholastique Mukasonga constitue une trilogie dénonciatrice du clivage ethnique à visée exterminatrice qui s'est déroulée en 1994 au Rwanda.

Voltaire a dit un jour : « La tristesse et la crainte sont deux sentiments désagréables. Avec les regrets, c’est le pire état de l'âme ».

C'est dans le cadre de cette perspective que se situe également le récit de Scholastique Mukasonga.

Expression de ressentiment ou leitmotiv vindicatif ? C'est la question que je me pose car l'auteur fustige les colons belges qui avaient placé à la tête du Rwanda nouvellement indépendant des autorités hutu, et ce avec la complicité de l’Église. Tenant toujours compte des dires de l'auteur, ces autorités hutu n'avaient qu'un seul objectif : rendre plus qu'incertaine la survie des tutsi « les exilés de l'intérieur », contraints de subir la souffrance lancinante de l’exil (pages 15 à 25).

La confrontation qui a souvent opposé les tutsi à leurs pairs hutu tire son origine des légendes complaisamment colportées par les ethnologues ; les missionnaires de l’époque (Allemands puis Belges). D'après les ethnologues, les tutsi seraient « les presque blancs », une « race des seigneurs » de par leur physionomie.  Ces contes légendaires répétés par les intéressée eux-mêmes, confortaient évidemment les tutsi dans le sentiment de « leur supériorité naturelle » et les hutu dans leur complexe d'infériorité.

Hormis les Twas (chasseurs pygmoïdes), les Hutu (généralement agriculteurs) et les Tutsi (généralement pasteurs) constituent les deux principales ethnies qu'on retrouve au Rwanda et au Burundi.

Colette Braeckman, dans son livre intitulé : Rwanda, histoire d'un génocide ; publié aux Éditions Fayard en 1994 nous élucide explicitement sur ce sujet.

Ce qui m'intrigue – nonobstant toutes ces observations – et je cherche toujours à comprendre pourquoi les belges du temps de la colonisation au Rwanda ne pouvaient pas pacifier les hutu et les tutsi du moment où à la même époque, au royaume de Belgique wallons et flamands vivaient en parfaite harmonie. Ils pouvaient ne fut ce que réparer ou retirer ces faux discours prônant le ségrégationnisme et la violence.

Curieusement à l'heure actuelle, la Belgique traverse une période épineuse et presque similaire à la mésentente ethnique qui s'est déroulée au Rwanda. Mais cette fois-ci il s'agirait beaucoup plus d'une question de mitoyenneté territoriale entre flamands et wallons.

Aux hutu et tutsi, aux flamands et wallons, je leur souhaite de retrouver la paix véritable pour le futur sans quoi on ne pourrait bâtir ce vaste monde.

 

Nana Espérance Isungu.

 

Scholastique Mukasonga recto

Scholastique Mukasonga verso

 

 

 

 

25 mars 2013

Une vie de boy, de Ferdinand Oyono, éditions Pocket, 1956, 185 pages

 

Diplomate, homme politique et romancier Camerounais, Ferdinand Léopold Oyono est né le 14 septembre 1929 à N'goulemakong, près d’Ebolowa (la province sud du Cameroun).

Il débute ses études au lycée de Yaoundé (la capitale du Cameroun). Il les poursuit au Lycée de Provins en France. Avant d'entrer à l'École Nationale d'Administration de Paris en section diplomatique, il réussit des études supérieures de droit à la Sorbonne.

L'année 1959 marque le début de sa carrière de haut fonctionnaire puis d'ambassadeur du Cameroun dans divers pays.

A partir de 1987, il participe à de nombreux gouvernements de son pays et assure la charge de différents ministères, notamment les affaires étrangères et la culture.

En 1956 il publie deux romans, Une vie de boy et Le vieux nègre et la médaille. En 1960 il publie Chemin d'Europe.

Les trois ouvrages se rattachent au vécu quotidien des africains à l'époque coloniale.

Ferdinand Oyono décède inopinément le 10 juin 2010 à Yaoundé.

Dans une Vie de boy, l'auteur retrace la vie de Toundi Joseph, le personnage principal du roman, un jeune nègre qui prit fuite de son village afin d'échapper à la bastonnade que devait lui infliger son père à cause de sa gourmandise. Il fut recueilli par un père blanc : le Père Gilbert. Ce dernier le conduisit à la mission de Dangan, l'instruisit et fit de lui son boy. Le Père Gilbert mourut, Toundi passa entre les mains du Père Vandermayer (l'adjoint du Père Gilbert) pendant quelque temps puis il devint le boy du nouvel administrateur de colonie « le commandant ».

Suite à un vol commis par sa camarade Sophie, la maîtresse de l'ingénieur agricole, Toundi écope d'une cruelle et violente torture qui le mena à la mort.

Ainsi donc Toundi est à la fois le témoin oculaire et le souffre-douleur de la négation de l'humanité des colonisés noirs suite aux sévices et supplices couronnés par la ségrégation raciale que leur imposèrent les colonisateurs blancs.

Le titre « une vie de boy »explique ce qu'était en fait la vie misérable du nègre (l'africain de l'époque coloniale) qui était à tout prix considéré comme le « boy », le domestique, le serviteur dévoué de son colonisateur de maître : l'Européen (l’homme blanc).

En écrivant une vie de boy, Ferdinand Oyono rejoint ses confrères : Mongo Beti, son compatriote, le sénégalais Ousmane Sembene et Bernard B. Dadié l'ivoirien qui ont écrit respectivement : Le pauvre christ de Bomba, Les bouts de bois de Dieu et Climbié.

Au travers de leurs romans, ces auteurs, déguisés en militants de la libération de l'Afrique noire colonisée, font le procès de la colonisation. Ils convoquent à la barre : administrateurs coloniaux, commerçants blancs et missionnaires.

L’œuvre romanesque tragique Une vie de boy écrite par F. Oyono est le récit d'un journal intime tenu par Toundi Ondua Joseph, boy du Père Gilbert, et qui devint, suite au décès de son bienfaiteur de prêtre, le boy du commandant.

L'ouvrage est divisé en deux parties : la première partie est reprise dans « Le premier cahier de Toundi » (pages 15 à 106). La deuxième partie, intitulée « Le deuxième cahier de Toundi » va de la page 107 à la page 185.

Première partie : nous sommes à Fia, Toundi Ondoua Joseph, jeune Camerounais issu de la race d'anthropophages : "Ma race fut celle des mangeurs d'hommes. Depuis l'arrivée des blancs nous avons compris que tous les autres hommes ne sont pas des animaux" (page 16), échappe à la chicotte de son père qui le punissait à cause de sa pseudo-gourmandise. "Je le connaissais, lui, mon père ! Il avait la magie du fouet". (Page 17).

C'est toi, Toundi, la cause de toute cette histoire, ta gourmandise nous perdra... (Page 16).

L'incident survient la veille de son initiation au totem (serpent) de leur race.

"Tu éprouves encore le besoin, à la veille de ton initiation, de traverser un ruisseau pour aller quémander des morceaux de sucre à cet homme-femme blanc que tu ne connais même pas !" (Page 17). Toundi alla trouver refuge chez le Père Gilbert, « l'homme blanc aux cheveux semblables à la barbe de maïs, habillé d'une robe de femme, qui donnait de bons petits cubes sucrés aux petits noirs » (page 16).

Le Père Gilbert lui remit une culotte kaki et un tricot rouge. Toundi devint ainsi son boy. Deux jours après, ils quittent le village de Fia pour se rendre à la mission catholique Saint-pierre de Dangan. A Dangan, Toundi est servant de messe et travaille à la sacristie ; ce qu'il aime : caresser le menton des jeunes filles blanches avec la patène qu'il leur présente lorsqu'elles communient (page 23).

N'étant pas retourné à Fia, tous les villageois l'accusent d'être le responsable de la mort de ses parents. (Page 16, pages 22 et 23).

"Au village, on dit de moi que j'ai été la cause de la mort de mon père parce que je m'étais réfugié chez veille sur tous ceux de notre race".

"Un prêtre blanc à la veille de mon initiation où je devais faire connaissance avec le fameux serpent qui Mes parents sont morts. Je ne suis jamais retourné au village".

Suite au décès du Père Gilbert, Toundi fut recueilli par le Père Vandermayer. A l'arrivée du nouveau commandant (administrateur colonial), le Père Vandermayer lui recommande Toundi Joseph "je serai le boy du chef des blancs : le chien du roi est le roi des chiens..."(...) C'est une nouvelle vie qui commence pour moi. Mon Dieu, que votre volonté soit faite..."(page 32).

Dans le deuxième cahier, Joseph Toundi qui, jadis, à la mission Saint-Pierre, avait constaté la différence entre les noirs et les blancs, se rend de plus en plus compte de la véracité des faits. Il y avait d'un côté des colonisateurs, des chefs (les blancs) et de l'autre, ses frères de race : les colonisés, les maltraités.

Quand la cloche tintait à Dangan, les blancs, eux, précédés du père Vandermayer, entraient par la sacristie pour accéder à l'église. Les noirs qui stationnaient dans la cour, prenaient d'assaut l'unique porte de la nef. C'était la bousculade, on entendait les cris des femmes et des enfants. Dans l'église, les blancs (hommes et femmes coudoyés) se plaçaient dans le transept, à côté de l'autel, pour suivre la messe. Confortablement installés dans des fauteuils de rotin recouverts de coussins de velours.

 Les noirs occupaient la nef de l'église, divisée en deux rangées : une pour les hommes et l'autre pour les femmes. Ils s’asseyaient sur des troncs d'arbres en guise de bancs ; surveillés étroitement par des catéchistes munis de chicotte, faisant les cent pas et prêts à corriger l'inattention des fidèles. (Pages 53 et 54).

Dans le milieu des colons, rien ne lui échappe : il continue de décrypter tout ce qui s’y passe. Il sait désormais départager les deux mondes foncièrement différents : le quartier noir, un village pauvre enclavé dans la ville. L'autre monde, c’est celui de la résidence, une ville opulente, la ville blanche.

Toundi rapporte tout ce qui se passe dans les deux nouveaux mondes. C'est ainsi que l’on apprendra que le régisseur de prison, M. Moreau, surnommé l'éléphant blanc « par les indigènes était l'amant de sa patronne Suzy, l'épouse du commandant ; Sophie la jeune belle boy cuisinière, la camarade de Toundi était la maîtresse de l'ingénieur agricole et qu'elle était avide d'argent » (pages 41et 42).

Toundi qui a toujours eu de l'estime pour sa patronne blanche, s'indigne face aux actes ignobles que commet cette dernière :

Suzy accordait son assentiment à M. Moreau, le régisseur de prison à venir inspecter en détail sa beauté en l'absence de son commandant de mari (page 98).

Suzy ne manque pas d'intimité à l'endroit de serviteurs hommes, elle demande à Baklu, le washman de laver les serviettes hygiéniques qu’elle utilise : "Baklu, la main sur droite appliquée contre son nez, tenait entre le pouce et l'index de la main gauche les serviettes hygiéniques de madame. Il vint dans la cuisine. Le cuisinier lui ferma la porte au nez et l'abreuva d’injures." (Page 122).

En allant balayer un matin la chambre de madame, Toundi découvre par mégarde des préservatifs usés sous le lit : "Je m'agenouillai et sondai le dessous du lit d’un grand coup de balai qui ramena non seulement des débris de verre, mais aussi des petits sacs de caoutchouc. Il y en avait deux. Quand madame n’entendit plus le frottement de balai, elle se retourna. En me voyant en train de tourner et retourner les petits sacs avec mon balai, elle bondit sur moi et tenta de les repousser sous le lit d'un coup de pied. Elle ne réussit qu’à en piétiner un qui éjecta un liquide sur le sol."  (Pages 130 et 131).

Après cet incident, sa patronne passe la commande d'une femme de chambre ; le cuisinier lui présenta Kalisia (page 137).

"J'ai trouvé le régisseur de prison entrain  " d'apprendre à vivre" à deux nègres soupçonnés d'avoir volé chez M. Janapoulos. En présence du patron du cercle européen, M. Moreau aidé d'un garde, fouettait mes compatriotes" (...).

-Avouez donc, bandits ! Criait M. Moreau. Un coup de crosse, N’djangoula ! (...)

-Pas sur la tête, N'djangoula, ils ont la tête dure...Sur les reins... N'djangoula donna un coup de crosse sur les reins. Les nègres s'affaissaient et se relevaient pour s'affaisser sous un autre coup plus violent que le premier. Janapoulos riait. M. Moreau s'essoufflait. Les nègres avaient perdu connaissance. Nous avons vraiment la tête dure, comme le disait M. Moreau. Je m'attendais à voir celle de mes compatriotes voler en éclats au premier coup de crosse de N'djangoula. On ne peut avoir vu ce que j'ai vu sans trembler. C'était terrible. Je pense à tous ces prêtres, ces pasteurs, tous ces blancs qui veulent sauver nos âmes et qui nous prêchent l'amour du prochain. Le prochain du blanc n'est-il que son congénère ? Je me demande, devant de pareilles atrocités, qui peut être assez sot pour croire encore à tous les boniments qu'on nous débite à l'Eglise et au temple... (Pages 114 et 115).

Cet épisode de la "place de la bastonnade" focalise la prise de conscience de Toundi, qui voit s'envoler ses illusions sur les blancs.

Accusé à tort, par l'ingénieur agricole, d'avoir participé au forfait de sa fiancée-maîtresse, Toundi est arrêté et placé au camp des gardes supervisé par Gosier d'oiseau (le commissaire de police), lui qui jadis avait échappé à la chicote de son père est vite repris par le destin du fouet. Se trouvant déjà mal en point avant son transfert pour Bêkon, la "crève des nègres" suite à la première dose de tortures administrée par Mendim, son bourreau et compatriote Toundi fut acheminé à l'hôpital... Afin d'épargner sa vie des exactions de M.Moreau, Toundi se sauve de l'hôpital... Hélas il fut surpris par la mort au cours de son escapade pour la Guinée espagnole (actuelle Guinée équatoriale).

 

En lisant une vie de boy, d'aucuns diraient que c'est un ouvrage écrit des mains d'un François Marie Arouet africain puisqu'il est rédigé dans un style classique châtié faisant emploi de certaines tournures, petites phrases et quelques proverbes et épisodes d'humour

A titre d’exemple :

-Tu parles de la honte ! Mais ce sont des cadavres ! explosa Baklu. Depuis quand un cadavre a-t-il eu honte ? Comment peut-on parler de honte pour ces femmes blanches qui se laissent manger la bouche en plein jour devant tout le monde ! (...) qui ne sont peut-être bonnes qu'au lit et qui sont incapables de laver leurs slips, leurs serviettes hygiéniques... (Pages 123 et 124)

-Je fus un peu étonné quand je vis la femme du docteur apparaître dans l’escalier de la Résidence Il était quatre heures et madame n'était pas encore réveillée Je courus au -devant de la femme du docteur pour la débarrasser de son ombrelle Elle m'écarta vivement de son chemin et détourna la tête.

(...)La femme du docteur, en vieille coloniale, se plaisait à tout exagérer, elle demanda des nouvelles du commandant, fit son panégyrique, parla, sans reprendre haleine, de Mme Salvain et de son époux, de tous les Blancs de Dangan...Madame l'écoutait avec de petits sourires forcés, la tête entre le pouce et l’index. Elles levèrent leurs verres, les posèrent à leurs lèvres et les reposèrent presque en même temps. (Page 124 ; pages 125 et 126)

-(...) « je n'ai été que celui qui a vu et entendu malgré lui.

-Toi, tu parles comme si tu avais un scorpion accroché à tes couilles !

-Je sais, je sais dit le garde en balançant la tête à droite et à gauche. Il écarta les mains comme un prêtre disant ‘Dominus vobiscum’. Il commença :

-Mon frère, écoute ce qui change nos têtes. J'ai dit à Toundi ce qui est parvenu à mes oreilles et ce qui s'est passé devant mes yeux...L'Eléphant blanc que tu connais a visité le champ du commandant en son absence... » (Pages 97 et 98)

Pour m'obliger à aller seul, elle s'engouffra dans un bosquet et me lança :

-avance seul ! Je vais voir M. W.-C. À qui on ne lève pas le chapeau...mais le pagne !

Son derrière disparut dans une touffe d'herbes. (Page 153)

(…) Visite d'Obébé le catéchiste :

Petit vieillard fatigant qu'il faut supporter avec beaucoup de courage...Il me conseille le pardon, me parle de la récompense et des bienfaits de Dieu, du ciel comme si je devais m’y rendre dans quelques jours.

 N'empêche que le coquin souffre encore de sa blennorragie d'avant-guerre et qu'il a partagé notre maigre repas. Il a promis de revenir demain.

Il a promis de revenir demain.

Mendim va m'en débarrasser. (Page 175).

 

« Corvée d'eau

Eau et sueur .Chicotte. Sang.

Colline abrupte. Montée mortelle. Lassitude.

J'en ai pleuré ». (Page 176).

 

« La rivière ne remonte pas à sa source... » (Page 88).

« La femme est un épi de maïs à la portée de toute bouche pourvue qu'elle ne soit pas édentée ». (Page 108) ;

 

L'image du petit garçon pensif et rêveur reprise sur la couverture de l'ouvrage refléterai sans doute le comportement des africains d'antan et d’aujourd’hui ; tutti quanti, ils ont toujours du mal à saisir leur avenir à bras le corps en vue d'obtenir un essor définitif de leur destinée.

 

Nana Espérance Isungu.

 

Ferdinand Oyono-recto ouvrage

Ferdinand Oyono-verso ouvrage

 

 

 

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25 mars 2013

Biographie de l'auteure

 

 

 

Plume porteuse d'avenir et d'espérance pour un lendemain meilleur, passionnée de chant et d'écriture, Nana Espérance est le fruit d’une idylle contractée entre un ingénieur agronome et une enseignante d'histoire.

Son talent d'écriture à la fois scientifique, littéraire et théologique est un message plein d'enthousiasme et de charme.

Kisangani et Kinshasa restent les berceaux de sa prime enfance et de sa maturité ; elle séjourne actuellement en France pour y poursuivre des études de langues.

 

 

 

22 mars 2013

Une si longue lettre, de Mariama Bâ, Éditions le serpent à plumes, 2001, 164 pages

Une si longue lettre, de Mariama Bâ, Éditions le serpent à plumes, 2001, 164 pages

Née en 1929, la Sénégalaise Mariama Bâ est diplômée de l’École normale en 1947où elle y  enseigne douze années durant avant d'être affectée à l'inspection régionale.

Mère de neuf enfants, divorcée puis remariée, elle s'engage dans les associations féministes pour lutter contre les castes et la polygamie; elle réclame une éducation pour tous et des droits réels pour les femmes.

Elle décède de maladie en 1981 à la veille de la publication de son second roman: le chant écarlate.

 « Amie, amie ,amie! Je t'appelle trois fois. Hier, tu as divorcé. Aujourd'hui je suis veuve ».

(…) « Être femme ! Vivre en femme ! Ah, Aïssatou ! Cette nuit, je suis agitée, ne t' en déplaise. La saveur de la vie c'est l'amour. Le sel de la vie, c'est l'amour encore ».

 « Une si longue lettre » ! Ce titre explique ce qu'est en réalité le récit de la vie de Ramatoulaye conté sous une forme épistolaire par l'auteur (Mariama Bâ) ;  c'est vraiment une très longue lettre.

Pénétrée par l'amertume et guettée par la mélancolie, Ramatoulaye écrit à sa meilleure amie Aïssatou. Elle lui relate tout ce qu'elle vit pendant ses quarante jours de réclusion traditionnelle de veuvage.

Au travers de son récit, que rebondissement du passé en flash-back pour évoquer l'heureuse vie qu'elle vivait aux côtés de son cher époux Modou Fall.  « Modou Fall, à l'instant où tu t'inclinas devant moi pour m'inviter à danser, je sus que tu étais celui que j'attendais. Grand et athlétiquementbâti. Certes. Teint ambré dû à ta lointaine appartenance mauresque, certes aussi. Virilité et finesse des traits harmonieusement conjugués, certes encore. Mais surtout, tu savais être tendre. Tu savais deviner toute pensée, tout désir... » (Page 33)

La mémoire de Ramatoulaye ressasse également le bon vieux temps qu'elles passèrent ensemble avec Aïssatou en tant que jeunes institutrices et mères de famille, qui, de temps en temps allaient se détendre à la plage de Ngor:  « Sous les yeux émerveillés de bambins, les poissons vivants sautillaient, tandis que s’incurvaient les longs serpents de mer. Rien n'est plus beau qu'un poisson à la sortie de l'eau, avec son œil clair et frais, ses écailles dorées ou argentées et ses beaux reflets bleutés! ». (Page48)

«Comme nous aimions ce sacerdoce, humbles institutrices d'humbles écoles de quartiers. Comme nous servions avec foi notre métier et comme nous nous dépensions pour l'honorer. Nous avions appris-comme tout apprenti-à bien le pratiquer dans cette école annexe, située à quelques mètres de la nôtre, où des institutrices chevronnées enseignaient aux novices que nous étions à concrétiser, dans les leçons données, nos connaissances de psychologie et de pédagogie...

Nous stimulions le déferlement de vagues enfantines qui emportaient dans leur repli un peu de notre être. » (page 51)

Avec douleur, la narratrice évoque alors son drame qui survint trois ans après celui de Aïssatou. (Pages70-75).

Promu au rang de conseiller technique au ministère de la fonction publique, Modou Fall décide de prendre une seconde épouse, Binetou, une enfant de l'âge de leur fille Daba. Binetou et Daba, futures bachelières répétaient leurs leçons au domicile parental Fall. 

"Je voyais, parfois, Modou s'intéresser au tandem; Je ne m'inquiétais nullement, non plus, lorsque je l'entendais se proposer pour ramener Binetou en voiture,'à cause de l'heure tardive", disait-il'."

"Binetou cependant se métamorphosait. Elle portait maintenant des robes de prêt-à-porter très coûteuses. Elle expliquait à ma fille en riant:"je tire leur prix de la poche d'un vieux".

L'union de cette "personnalité de Dakar" avec une jeune fille issue d'une famille des "ndols" (pauvres) (page 76) vient ainsi ruiner les vingt-cinq années de vie que Ramatoulaye avait consacrées à son mari et qui lui valut douze maternités. (Page 78). Après la mort de Modou, elle se retrouve dans l'embarras de choix de nouveaux compagnons de vie : Tamsir, le frère aîné de Modou et Daouda Dieng, son ancien prétendant, un nanti que sa maman préférait jadis comme époux pour elle en lieu et place de Modou Fall. (Page 108 à 128).

Toujours dans son émoi, elle établit une comparaison entre son pénible destin et celui d'Aïssatou.

Aïssatou, "enfant de forges"  mariée à Mawdo Bâ, médecin, fils de princesse et qui du reste était le meilleur ami de Modou Fall : "Mawdo te hissa à sa hauteur, lui, fils de princesse, toi, enfant des forges" (page 44).

Pour que sa mère "ne meure pas", pour "accomplir un devoir" Mawdo Bâ épouse la petite Nabou, sa parente, afin de "retourner le sang à la source".  Aïssatou divorce pour laisser la place à sa jeune rivale.(Pages 55 à 68).

Narration arborant le drapeau de la poésie dans un monde coloré, Une si longue lettre est un tableau vivant qui dessine entre les lignes:  l'impact de la polygamie dans la cellule familiale, le multiple rôle de la femme au foyer, l'insertion et la place de la femme sénégalaise en particulier et africaine en général en politique, les us et coutumes trad-ancestrales, la dépravation des mœurs (les jeunes filles n'hésitent pas à se marier avec des hommes plus âgés qu'elles pour pouvoir s’assumer matériellement), l'absence de droits des femmes dans la société africaine.

Cependant, ma perplexité demeure constante devant un fait : l'auteur fait usage de la forme d'une lettre pour donner un visage humain à son œuvre, ainsi je me pose la question de savoir si "Une si longue lettre" de Mariama Bâ n'était pas une autobiographie masquée ! A mon humble avis je crois que oui ; c'est une symbiose événementielle de la vie de Ramatoulaye  et de celle de Aïssatou. Le "je" employé ne  s'identifie pas uniquement à Ramatoulaye mais plutôt à l'auteur elle-même.

Par pure discrétion, Mariama Bâ a voulu camoufler le récit de sa vie en faisant intervenir deux personnages majeurs dans son roman.

1°) Ramatoulaye: un personnage fictif dont l'auteur s'est servi pour brouiller les pistes, pour inverser les rôles et masquer son histoire. Les éléments évocateurs ne représentent que 20% de la biographie similaire à celle de l'auteur : mère d'un bon nombre d'enfants, institutrice et militante des droits des femmes ; dans la finale (page165) nous épinglons le souhait formulé par Ramatoulaye de vouloir se remarier:  « je t'avertis déjà, je ne renonce pas à refaire ma vie. Malgré tout-déceptions et humiliations-l'espérance m'habite. C'est de l'humus sale et nauséabond que jaillit la plante verte et je sens pointer en moi des bourgeons neufs... »

2°) Aïssatou: c'est le personnage qui incarne à 80% le rôle autobiographique de Mariama Bâ. Sur ce point, je tiens compte de certains aspects et autres faits de similitude entre le récit de la vie de Aïssatou raconté par l'auteur et la vie de l'auteur elle-même : femme prête à refaire sa vie (dixit Ramatoulaye, pages 163 et 164), mère d'un bon nombre d'enfants, également institutrice et militante des droits de femmes et surtout la sensibilité avec laquelle l'auteur a écrit son ouvrage. Voici, à titre d'illustration, le contenu de la lettre de séparation que Aïssatou adresse à son époux Mawdo Bâ (pages  64 et 65) :

Mawdo,

Les princes dominent leurs sentiments pour honorer leurs devoirs.

Les « autres » courbent leur nuque et acceptent en silence un sort qui les brime.

Voilà, schématiquement, le règlement intérieur de notre société avec ses clivages insensés. Je ne m' y soumettrai point. Au bonheur qui fut nôtre, je ne peux substituer celui que tu me proposes aujourd'hui. Tu veux dissocier l'Amour tout court et l'amour physique.

Je te rétorque que la communion charnelle ne peut être sans l' acceptation du cœur, si minime soit-elle.

Si tu peux procréer sans aimer, rien que pour assouvir l'orgueil d'une mère déclinante, je te trouve vil. Dès lors, tu dégringoles de l'échelon supérieur, de la respectabilité où je t'ai toujours hissé. Ton raisonnement qui scinde est inadmissible: d'un côté, moi  « ta vie, ton amour, ton choix », de l'autre, « la petite Nabou, à supporter par devoir »;

Mawdo, l'homme est un: grandeur et animalité confondues. Aucun geste de sa part n'est de pur idéal. Aucun geste de sa part n'est de pure bestialité.

Je me dépouille de ton amour, de ton nom. Vêtue du seul habit valable de la dignité, je poursuis ma route.

Adieu,

Aïssatou.

Cette lettre de divorce, si cela ne vous paraît toujours pas évident, est une expression puisée du profondeur du cœur d'une personne blessée dans son affectivité !

Tout compte fait, « Une si longue lettre » est une œuvre majeure de l'éveil du militantisme féministe surtout pour ce qu'elle dit de la condition des femmes africaines. Les dessins de femmes qu'illustre la couverture de l'ouvrage le prouvent suffisance.

Nana Espérance Isungu. 

 

 

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22 mars 2013

Critique du roman La Préférence Nationale, de Fatou Diome, Éditions Présence Africaine, 2001, 110 pages

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La Préférence Nationale, de Fatou Diome, Éditions Présence Africaine, 2001, 110 pages

De son île natale de Niodor , où elle a vu le jour en 1968, à la ville de Strasbourg en France, Fatou Diome  ne cesse d'inscrire ses pas à la suite de ses illustres prédécesseurs et compatriotes sénégalais, que sont Ousmane Sembene et Mariama Bâ . Parmi ses écrits on compte : La Préférence Nationale (un recueil des nouvelles); Le ventre de l'Atlantique (roman publié en 2003 aux Éditions Anne Carrière) et Celles qui attendent (roman publié en 2010 aux Éditions Flammarion).

Le titre « La Préférence Nationale » décrit le racisme ordinaire de cette catégorie des nationaux, souvent peu cultivés mais plutôt hautains ; ils se plaisent à exploiter les moins nantis qu'eux : les expatriés.

Dans la Préférence Nationale, Fatou Diome utilise un style rédactionnel raisonné, rempli d'imagination et d'émotions.

Les paragraphes de son recueil de six nouvelles, qui s'alignent de manière poétique, condamnent avec véhémence les principaux vices ternissant l'image de notre société contemporaine : le viol incestueux, le racisme, l'autoritarisme de l'homme uni à la lubricité que favorisent la tradition et la pauvreté. L'auteur dénonce ces contre-valeurs sans le moindre scrupule de pudeur. Les nouvelles de cette conteuse nous relatent aussi les souvenirs nostalgiques de son enfance et de son mariage raté avec un Alsacien soumis à sa mère raciste qui n'avait pas très envie d'une belle-fille noire.

Les chapitres : le visage de l'emploi, la préférence nationale (pages 55 à 73) expriment la déception et l'indignation d'une femme mariée à un Français, détentrice de diplômes mais dont le bagage intellectuel n'est guère reconnu dans le monde professionnel à cause de sa peau couleur d'ébène.

L' ouvrage raconte également la vie d'une femme obligée de se parer d'un tablier et d'un  plumeau pour payer son doctorat de lettres modernes à l'université de Strasbourg.

Dans le chapitre « Le dîner du professeur »(pages 101 à 110), l'auteur brosse le portrait d'une femme qui ne cache pas sa répugnance à l'endroit de son prof de mari, M. Friend, un jouisseur égoïste .

Ce dernier n'éprouvait aucun amour pour son âme sœur ou plutôt sa partenaire de jeu qui se voit réduite au  rôle d'objet à la fois érotique et exotique . Sur ce point , on peut établir une passerelle entre la préférence nationale de Fatou Diome et Une si longue lettre de Mariama Bâ. Cette dernière met en exergue le comportement lubrique des hommes qu'enchante volontiers la polygamie.

Je suis du même avis que l'auteur quand elle affirme que la taille d'une fourmilière dépend du nombre des petites ouvrières .

Par contre, pour revenir à la préférence nationale en soi, si seulement sa consistance dépendait des petits employeurs(c'est-à-dire ces nationaux orgueilleux qui recrutent les expatriés à leurs services à fin de survie de leur prospérité nationale) c'est parce que « les grands employés » de ces petits employeurs (les expatriés) ne connaissaient pas souvent leurs droits et moins encore la manière de les revendiquer. C'est ainsi qu'ils ont toujours eu du mal à dresser leur front longtemps courbé sous le joug de l'ignorance. Se voyant ainsi réduits au silence, ces employés ne pouvaient qu'acquiescer la suprématie de leurs patrons.

Le balai et la serpillière qu'illustre la première couverture de l'ouvrage tendrait à signifier que l'auteur poursuit un objectif, celui de faire briller le plancher de son itinéraire douloureux qui serait désormais parfumé d'une liberté affirmée.

 

Nana Espérance Isungu.

 

22 mars 2013

Éveil d’Afrique

Redresse-toi Afrique

Porte ta robe magnifique.

 

Debout

Rayonne !

Le public t’ovationne

L'histoire mentionne.

 

Redresse-toi Afrique

Revêts ta robe magnifique.

 

Tes fils et tes filles te réclament,

Réagis sans amertume.

Les voilà qui s'exclament:

Dynamise  notre coutume!

 

Non Presse

Ne te presse pas de détruire l'image du monde et de l'Afrique.

Empresse-toi de reconstruire ce visage immonde et maléfique.

Fais preuve d'optimisme,

Refais l’épreuve du positivisme.

 

Non laisse

Ne nous prouve pas ta faiblesse,

Ne nous prive pas ta hardiesse.

 

Po na ekolo ya biso Congo

Na bengi bandeko ya bisso na bisso

Passy, M'passy na Benji

Mpo te bayembela Afrika, Congo mpe mokili mobimba

Manso ekende liboso

Bolingo ezala ya mingi

Na elikya o mitema

Mpe esengo o mitema

 

Traduction

Pour notre pays le Congo

Je fais appel au groupe Bisso na Bisso

Passy, M'passy et Benji

Pour qu'ils chantent pour l'Afrique, le Congo et le monde entier

Pour que tout aille de l'avant

Qu'il ait beaucoup d'amour

Espoir et joie aux cœurs

 

Avec mon micro

Je me présente sur la scène

Je ne suis pas un escroc

J’ai de la voix pour faire carrière

J'aide l'envoi pour défaire la lanière

Pascal Lokua

Corneille

Pas de scandale

L'éveil:

Joignez vos voix à la mienne

Chantons ensemble

Que la paix revienne!

 

Redresses-toi Afrique

Porte ta robe magnifique

 

Nanis

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Le blog littéraire de Nana Espérance Isungu
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